Une approche novatrice pour améliorer la qualité du homard

Une équipe intersectorielle de l’UQAR, du Cégep de la Gaspésie et des Îles (CGÎ) / Merinov et des Fruits de Mer Madeleine inc. développe, en collaboration avec le Centre d’expertise en gestion des risques d’incidents maritimes (CEGRIM), une plateforme de biotests pour l’industrie de la pêche au homard. Cette plateforme a pour but d’assurer les plus hauts standards de qualité de cette ressource prisée par les amateurs de fruits de mer. Un projet de recherche où l’innovation et la préservation de ce crustacé se marient afin d’assurer une pêche plus durable et de favoriser l’autonomie alimentaire du Québec.

La gestion de la qualité du homard a peu évolué au fil du temps, observe la directrice de la qualité et de la certification de l’entreprise Les Fruits de Mer Madeleine, Pascale Chevarie, qui est diplômée à la maîtrise en gestion des ressources maritimes à l’UQAR. « Avant d’être vendu aux consommateurs, le homard est trié en fonction de son poids et de sa qualité apparente. Ceux qui sont abîmés, dont une pince est manquante ou qui ont l’air faibles sont transformés, tandis que ceux qui sont identifiés comme étant de bonne qualité sont gardés en vivier pour être vendus en poissonnerie et sur le marché de l’exportation. »

Lorsque l’évaluation visuelle est satisfaisante, le homard subit une ponction d’hémolymphe afin de déterminer son taux de protéines sanguines. « Cette ponction est déjà bien implantée dans l’industrie. Elle sert à évaluer l’indice de Brix, qui est le seul paramètre quantitatif illustrant l’état métabolique global du homard. Seuls les homards ayant un indice de Brix élevé sont retenus pour être gardés en vivier », précise Nicolas Toupoint, chercheur industriel chez Merinov, affilié au Cégep de la Gaspésie et des Îles, et diplômé au doctorat en océanographie de l’UQAR. Pour l’équipe de recherche, l’hémolymphe prélevée en usine représente une source peu exploitée d’information sur la santé du homard.

Or, l’indice de Brix ne permet pas d’évaluer l’état des homards à la suite des stress environnementaux, comme le réchauffement, la sous-oxygénation, l’acidification ou l’exposition aux contaminants. « Ces stress physico-chimiques peuvent ensuite favoriser l’apparition de stress de nature biologique, comme des infections, un déficit des réserves énergétiques ou encore une exposition aux phytotoxines. La santé globale des homards peut être affectée et cela se répercute sur la qualité de leur chair », explique le professeur de chimie Richard Saint-Louis.

C’est afin de doter l’industrie de la pêche au homard d’outils technologiques permettant la surveillance étroite de l’état de la ressource et de contribuer au développement de produits nutritifs à haute valeur ajoutée que le projet « HOMADIAG » a été amorcé l’automne dernier. Dirigée par M. Saint-Louis, M. Toupoint et Mme Chevarie, l’équipe rassemble Camille Berthod, candidate au doctorat en océanographie à l’UQAR, Robin Bénard, docteur en océanographie et adjoint exécutif au CEGRIM et Juliette Bernier, étudiante au premier cycle en biologie à l’UQAR depuis le trimestre d’hiver 2022. Le Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles (RPPCÎ), qui compte plus de 180 capitaines-propriétaires, agit à titre de collaborateur du milieu utilisateur.

Le projet « HOMADIAG » consiste à cibler et à développer les biotests les plus pertinents permettant d’évaluer la qualité des homards aux premiers stades de la chaîne de commercialisation. « L’idée est d’adapter les biotests commerciaux, utilisés en santé humaine et avec les animaux de laboratoire, pour la mesure de marqueurs cellulaires et biochimiques dans l’hémolymphe du homard. C’est, en quelque sorte, établir leur bilan sanguin au moment de la capture et avant la mise en marché. L’appareil de lecture utilisé est facile à prendre en main et permet d’obtenir des résultats rapidement. Nous testerons notre plateforme de diagnostic, validée à l’UQAR puis testée chez Merinov, pendant la saison de pêche 2022 aux Îles-de-la-Madeleine, pour générer un ensemble de données nous permettant de dresser avec les partenaires un premier portrait de l’état de santé des homards. Par la suite, nous allons compléter le transfert de connaissances et de la technologie aux entreprises », indique Mme Berthod.

Les Fonds de recherche du Québec – Nature et technologie (FRQNT) appuient la réalisation de ce projet d’innovation dans le cadre de son programme Impulsion - Agroalimentaire. « Nos travaux vont se poursuivre jusqu’à l’été. Notre objectif est que la plateforme de diagnostic réponde aux besoins actuels et futurs de l’industrie de la pêche, notamment pour optimiser les conditions contrôlées de stockage de la ressource en vivier. Ultimement, nous souhaitons que nos biotests puissent être développés pour d’autres espèces de crustacés marins, et même qu’ils puissent déterminer la salubrité de la ressource en cas d’incidents maritimes impliquant des matières dangereuses », conclut le professeur Saint-Louis. 

(Photos: Martin Toulgoat, Merinov) 

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