Explorations scientifique et artistique dans les profondeurs des canyons sous-marins au large de Pointe-des-Monts

Une mission transdisciplinaire menée par le professeur Jean-Carlos Montero-Serrano, de l’ISMER-UQAR, en collaboration avec ses collègues Audrey Limoges de l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB) et Alexandre Normandeau de la Commission géologique du Canada (Atlantique), a eu lieu du 7 au 12 octobre à bord du navire de recherche Coriolis II dans l’estuaire maritime du Saint-Laurent.

« Cette mission visait à récupérer trois mouillages avec des pièges à sédiments et d’instruments qui ont mesuré les propriétés physiques de la colonne d’eau au cours de la dernière année, d’échantillonner des sédiments et de l’eau et d’effectuer la cartographie des canyons sous-marins situés au large de Pointe-des-Monts. Malgré une météo un peu capricieuse, nous avons pu mener à bien cette mission en remplissant tous les objectifs prévus initialement », indique le professeur Jean-Carlos Montero-Serrano.

À Pointe-des-Monts, les tempêtes et l’impact des vagues sur le littoral engendrent la remobilisation des sédiments sur les plages ainsi que la déstabilisant des sédiments sur la pente des canyons situés au large. « Ces phénomènes naturels peuvent provoquer des avalanches sous-marines de grands volumes de sédiments, ce qui pourrait représenter un risque pour les futures infrastructures dans la région, telles que les câbles sous-marins. Ces avalanches peuvent également entraîner la remise en suspension d’algues nuisibles en dormance dans les sédiments qui pourriront provoquer des efflorescences algales nuisibles dans l’estuaire maritime du Saint-Laurent », explique le professeur Montero-Serrano.

Cette mission océanographique a permis à Florian Jacques, étudiant au doctorat en océanographie sous la direction des professeurs Jean-Carlos Montero-Serrano, André Rochon et Guillaume St-Onge de l’ISMER et d’Audrey Limoges de l’UNB, de récupérer des pièges à sédiments installés un an auparavant et de compléter l’échantillonnage des sédiments pour son projet de thèse. Dans un premier temps, ces nouveaux échantillons lui permettront d’étudier la dynamique sédimentaire des canyons sous-marins au large de Pointe-des-Monts et son lien avec les événements climatiques survenus depuis les derniers 8000 ans.

Dans un second temps, les échantillons des pièges à sédiments lui serviront à documenter la présence de l’algue toxique Alexandrium catenella et ainsi à étudier la vulnérabilité de cette zone aux marées rouges. « Ces données seront très utiles pour améliorer nos connaissances sur l’estuaire maritime du Saint-Laurent ainsi que pour la prévention des risques liés aux floraisons d’algues toxiques », précise Florian Jacques.

Des échantillons d’eau en surface et en profondeur le long de l’estuaire maritime ont aussi été prélevés pour en extraire les bactéries sur des filtres. « Avec des techniques d’analyse de l’ADN, nous voulons connaître la diversité des bactéries hydrocarbonoclastes, qui sont capables de dégrader les hydrocarbures, afin d’estimer la capacité de l’environnement marin du Saint-Laurent à faire face à un déversement de pétrole en automne », mentionne le professeur Richard St-Louis du département de biologie, chimie et géographie de l’UQAR.

Des carottes de sédiments prélevées dans la zone hypoxique, entre Rimouski et Forestville, ont aussi été échantillonnées pour le projet de maîtrise en océanographie de Pauline Firmin, dirigée par les professeurs Jean-Carlos Montero-Serrano et Richard St-Louis. Au laboratoire, ces carottes serviront à effectuer des expériences d’incubation en absence d’oxygène afin d’étudier le relargage des métaux traces potentiellement toxiques pour la faune benthique.

Deux étudiantes en recherche-création ont aussi accompagner l’équipe d’océanographes. Camille Bernier, candidate au doctorat en lettres à l’UQAR sous la direction de la professeure Kateri Lemmens, a participé à cette mission qui est sa troisième année dans le cadre de ce projet. « C’est une grande chance que d’avoir pu y prendre part, de s’immerger dans un milieu jusque-là inconnu et d’y recueillir autant d’expériences pour la suite de mon travail d’écriture et de photographie », indique-t-elle. Se déployant dans l’essai et la poésie, son projet de thèse consiste en une réflexion sur les conditions d’une relation humaine à la science, avec une attention accrue aux vulnérabilités en jeu dans la recherche scientifique de même que dans la création littéraire :  vulnérabilités environnementales et humaines. Pendant cette mission, Mme Bernier a participé à l’échantillonnage de sédiments et à la prise de données. De plus, cette mission sous le signe des vagues lui a fait réaliser qu’elle a plutôt le pied marin, ce qui a fait de son temps à bord un plaisir renouvelé. 

Juliette Lusven, artiste-chercheur et étudiante au doctorat de l’Université du Québec à Montréal en études et pratiques des arts, a également pris part de cette mission transdisciplinaire. Mme Lusven est déjà bien engagée dans l’exploration des fonds-marins. En effet, son projet de thèse s’intéresse en particulier à l’infrastructure sous-marine d’Internet dans l’océan Atlantique et l’a amené depuis 2020 à poursuivre ses recherches au regroupement stratégique Geotop, un centre interuniversitaire de recherche et de formation dans le domaine des géosciences. Dans le cadre de cette mission, elle continue d’explorer les relations entre l’art, la science et l’environnement marin. Cette résidence qu’elle nomme « exploratoire » lui permet de s’immerger sur un bateau océanographique pour documenter, collecter, rassembler du nouveau matériel pour son travail de création grâce à des données visuelles, sonores, bathymétriques et différents échantillons de sédiments.

« Dans l’ensemble, les données et échantillons recueillis dans cette mission contribueront à fournir une évaluation de premier ordre des risques posés par la remobilisation des sédiments sur les infrastructures et le milieu marin dans l’estuaire maritime du Saint-Laurent, une zone d’importance pour les mammifères marins, la pêche, le tourisme et la navigation », conclut le professeur Jean-Carlos Montero-Serrano.

Au cours de la mission, le professeur Montero-Serrano et son équipe étaient aussi accompagnés de Christian Boutot (ISMER-UQAR), de Sylvain Blondeau (Québec-Océan) et de Natalie Pisciotto (CIDCO) qui ont apporté leur soutien technique pendant les opérations de récupération de mouillage, de déploiement de la CTD-rosette, de carottage et de géophysique. 

Le Réseau Québec maritime (RQM) et MEOPAR (Marine Environmental Observation, Prediction and Response Network, un réseau national de centres d’excellence du Canada) appuient financièrement cette mission et projet transdisciplinaire.

 

logo mobile