Le fleuve Saint-Laurent est à bout de souffle

La quantité d’oxygène dissous a diminué de façon importante au cours des 10 dernières dans l’estuaire et le golfe du fleuve Saint-Laurent. Une équipe multidisciplinaire dirigée par le professeur Piero Calosi et la professeure Gwénaëlle Chaillou va se pencher au cours des trois prochaines années sur l’impact de l’hypoxie persistante sur cet écosystème et les organismes marins qui y habitent.

L’oxygène dissous est nécessaire au développement et au maintien de la vie. Dans les océans, il contribue tant au fonctionnement global des écosystèmes qu’au développement et le fonctionnement physiologique des organismes marins. « Dans un contexte de changement global, la fréquence, l’ampleur et la sévérité des événements de désoxygénation, ou d’hypoxie, augmentent à travers le globe et, dans certaines zones, les événements d’hypoxie saisonnière deviennent persistants », indique le professeur Calosi, responsable du Laboratoire de physiologie évolutive marine au Département de biologie, chimie et géographie de l’UQAR.

Entre les années 1930 et 1980, les conditions d’oxygénation se sont progressivement dégradées dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent (EGSL). Après s’être stabilisées jusqu’en 2010, elles sont devenues encore plus sévères. « Cette détérioration des conditions d’oxygène dissous est principalement attribuée à un changement dans la circulation océanique en Atlantique Nord qui permet à une plus grande proportion d’eaux chaudes et moins oxygénées d’alimenter le Chenal Laurentien », précise la professeure Gwénaëlle Chaillou, qui est titulaire d’une Chaire de recherche du Canada en géochimie des hydrogéosystèmes côtiers à l’UQAR-ISMER.

En outre, l’augmentation des apports en nutriments et le réchauffement des eaux profondes ont stimulé la respiration bactérienne, créant un fort gradient d’oxygène entre le golfe et la tête du chenal dans l’estuaire. « Au cours des 25 dernières années, les conditions chimiques dans la colonne d’eau et les sédiments ainsi que l’écologie de la communauté benthique ont été étudiées dans l’EGSL. Cependant, la capacité des organismes marins à s’acclimater et s’adapter aux conditions hypoxiques, et les conséquences de ces deux processus sur le fonctionnement de l’écosystème, restent peu connues », observe Ludovic Pascal, qui effectue un postdoctorat à l’UQAR-ISMER.

C’est afin d’apporter un éclairage sur cette question que le Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologie (FRQ-NT) soutient le projet de recherche développé par le professeur Calosi et la professeure Gwénaëlle Chaillou et leur équipe formée de des chercheurs Ludovic Pascal et André Lucas dos Reis Cuenca (candidat au doctorat en biologie à l’UQAR), du professeur Philippe Archambault (Université Laval), de la chercheuse Geneviève Parent et du chercheur Denis Chabot (Institut Maurice-Lamontagne-MPO), et de la chercheuse Diana Madeira (Université d’Aveiro, au Portugal).

« Notre équipe combine des expertises en biogéochimie, en écologie benthique, en physiologie des organismes, en génomique et en fonctionnement des écosystèmes. Nos travaux permettront de prédire comment les communautés d’invertébrés benthiques réagissent à la persistance de conditions hypoxiques et d’anticiper les changements de fonctions écosystémiques qui surviennent à la suite de l’extinction locale, à l’adaptation et l’acclimatation des espèces dans cette région », conclut le professeur Piero Calosi. Les travaux de recherche vont se poursuivre jusqu’en 2023. 

(Photos : Viridiana Jimenez, INREST)

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