Comprendre l’impact de changements climatiques sur la dynamique de la calotte glaciaire Penny

Depuis 2014, une équipe de chercheuses et de chercheurs de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER) de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) dirigée par le professeur Jean-Carlos Montero-Serrano a participé à différentes missions océanographiques d’ampleur dans l’Arctique canadien à bord du brise-glace de la Garde côtière canadienne Amundsen. Ces missions ont permis de recueillir des carottes sédimentaires en périphérie des glaciers afin de mieux documenter l’impact de changements climatiques sur la dynamique des glaciers dans l’Arctique canadien au cours du dernier millénaire ainsi que de mettre en perspective ces changements dans le contexte du réchauffement climatique actuel.

L’archipel Arctique canadien est l’une des zones renfermant le plus de glaciers continentaux de la planète. Les grandes pertes de volume des glaciers au cours de la dernière décennie font de cet endroit l’un des grands contributeurs à l’élévation mondiale du niveau marin, après le Groenland et l’Antarctique. Ainsi, l’étude des glaciers et calottes glaciaires et de leur dynamique par rapport aux changements climatiques passés est primordiale afin de compléter et d’approfondir les connaissances sur l’influence des changements climatiques actuels sur ce système.

Carottage de sédiments près du glacier Coronation à bord de l’Amundsen lors de la mission ArcticNet 2019 (photo : Alexandre Normandeau).Au cours des dernières décennies, les données instrumentales ont montré que les glaciers et calottes glaciaires de l’Île de Baffin ont perdu environ 24 gigatonnes par an de glace. Cela est suffisant pour recouvrir le Québec entier d’une fine couche de glace de 1,6 cm d’épaisseur. Cette situation est plus inquiétante pour la calotte glaciaire située la plus au sud de l’Île de Baffin, la calotte glaciaire Penny. La perte de masse de cette calotte a quadruplé entre 1995-2000 et 2005-2013 (1 à 5 gigatonnes par an de glace, soit l’équivalent de la moitié de toute l’eau contenue dans le Lac Saint-Jean). Dans ce secteur, le glacier à terminaison marine Coronation (Image 1), situé dans le fiord du même nom, est celui qui contribue le plus à la décharge d’icebergs de la calotte glaciaire Penny.

Dans ce contexte, une carotte sédimentaire d’une longueur de 6 mètres a été échantillonnée dans le fiord Coronation lors de l’expédition ArcticNet 2019 à bord de l’Amundsen (Image 2). Cette carotte a été étudiée dans le cadre de mon projet de maîtrise en océanographie (Image 3) réalisé sous la direction des professeurs de l’ISMER-UQAR Jean-Carlos Montero-Serrano et Guillaume St-Onge et du chercheur de la Commission géologique du Canada Alexandre Normandeau. Les objectifs de ce projet de maîtrise sont de reconstituer les changements à long terme des transferts sédimentaires en provenance de la calotte glaciaire Penny et de documenter l’influence des changements climatiques actuels sur ce système.

La combinaison de datations au radiocarbone (14C) et des analyses paléomagnétiques suggèrent que la carotte couvre les 500 dernières années. Des résultats préliminaires révèlent que pendant le petit âge glaciaire (période climatique entre 1350 à 1850 caractérisée par une température moyenne annuelle ~ 1-1,5 °C plus froid qu’aujourd’hui) le glacier Coronation a subi une croissance qui a conduit à une augmentation des décharges d’icebergs dans le fiord. En revanche, à partir des années 1970, les indicateurs détritiques (tel le quartz, les plagioclaOuverture et description des carottes sédimentaires dans le laboratoire de géologie marine de l’ISMER-UQAR (photo : María-Emilia Rodríguez-Cuicas).ses, la biotite, la chlorite et bien d’autres) suggèrent une diminution des décharges d’icebergs et une dominance des décharges d’eau de fonte à partir du glacier Coronation. Les vitesses de sédimentation augmentent de 1 cm/an à 1,5 cm/an au cours de cette même période. Ces résultats confirment que la vitesse de recul du glacier a augmenté considérablement au cours des 50 dernières années en réponse au réchauffement climatique actuel, ayant reculé de plus de 1 km depuis 1984 (donnée tirée de Google Earth Timelapse).

Bien que la réponse aux variations climatiques soit observée dans cette première étape du projet, les analyses spectrales des indicateurs détritiques permettront une meilleure compréhension des mécanismes climatiques et océanographiques qui interviennent dans la régulation de la dynamique de la calotte glaciaire Penny.

Mentionnons que les activités de recherche menées par les professeurs Jean-Carlos Montero-Serrano et Guillaume St-Onge dans l’Arctique sont appuyées financièrement par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ArcticNet (un réseau de centres d’excellence du Canada), Amundsen Science, Québec-Océan et le GEOTOP.

 

(Image 1: Paysage du glacier Coronation en 2019 (photo : Alexandre Normandeau).
Image 2: Carottage de sédiments près du glacier Coronation à bord de l’Amundsen lors de la mission ArcticNet 2019 (photo : Alexandre Normandeau).
Image 3: Ouverture et description des carottes sédimentaires dans le laboratoire de géologie marine de l’ISMER-UQAR (photo : María-Emilia Rodríguez-Cuicas).

 

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