Chroniques étudiantes : Allier échanges culturels et étude scientifique : les zostères de la Baie James

Les zostères sont des plantes aquatiques marines formant de vastes herbiers sur de nombreuses côtes à la surface du globe. La zostère n’est pas une algue, mais bien une plante marine, comparable à du gazon, composée de feuilles, tiges, racines et produisant des graines. Les herbiers marins sont des environnements riches,  primordiaux  en termes d’habitat comme de nourriture pour de nombreuses espèces s’échelonnant sur toute la chaîne alimentaire : des petits invertébrés vivant dans le sédiment jusqu’aux poissons et aux oiseaux marins. L’importance des zostères ne s’arrête pas là puisque les herbiers sont des zones de reproduction et nourriceries d’espèces de poissons ou coquillages à forte valeur commerciale. Ils jouent aussi un grand rôle dans la stabilisation des sédiments, le stockage du carbone et le recyclage des nutriments.  A l’échelle mondiale, ces herbiers subissent un déclin général observé depuis plusieurs décennies, s'accélérant au cours de ces dernières années. La communauté scientifique s’intéresse de près aux facteurs et aux raisons de ce déclin, en particulier dans le contexte actuel des changements globaux. 

En Baie James, les membres des communautés Cries habitant la zone côtière sont les premiers à avoir remarqué un déclin des zostères et se sont inquiétés des conséquences sur les écosystèmes côtiers. Face à cette inquiétude et le manque de données scientifiques historique sur cette région difficile d’accès, Niskamoon Corporation, une organisation à but non lucratif fondée par le Conseil des Cris et Hydro-Québec, s’est donné comme mandat d’évaluer la condition actuelle des écosystèmes côtiers basés sur la zostère et a engagée pour cela plusieurs scientifiques rattachés à différentes universités à travers le Canada dont l’UQAR/ISMER. C’est dans ce contexte que s’inscrit ma maîtrise en océanographie (supervision F. Noisette).

En effet, mon objectif principal est d’évaluer la condition physiologique actuelle des zostères à l’aide d’indicateurs physiologiques et en étudiant les performances reliées aux processus de photosynthèse selon les conditions de leur milieu . Ce processus biochimique se résume par la production de matière organique et d’oxygène par l’utilisation de la lumière et de plusieurs nutriments fondamentaux présents dans l’environnement. C’est en particulier sur le lien entre les quantités d’azote et de carbone présentes dans le milieu et la qualité physiologique des zostères, que ma maitrise se concentre. Afin de répondre à cet objectif, , une mission s’est menée à l’été 2019 dans la zone côtière de la Baie James, au sein de quatre communautés Cries. Nous avons échantillonné en plongée des zostères le long de la côte tout en mesurant plusieurs paramètres environnementaux de l’eau tels que la salinité, la température, la concentration de matière en suspension, de chlorophylle et, évidemment, les nutriments dans la colonne d’eau au-dessus des herbiers. Ces expéditions d’échantillonnage ont été réalisées depuis les canots traditionnels autochtones, guidés par des membres des communautés. Ces moments privilégiés nous ont permis d’échanger avec nos guides, faisant converger leurs connaissances traditionnelles cries et les méthodes scientifiques que nous utilisons et qu’ils appellent plus communément la ‘’ Western Science’’.

Les indicateurs physiologiques sur les échantillons de zostères prélevés sur 16 sites seront analysés à l’hiver 2020 et, je l’espère, me permettront d’apporter une petite pierre à la compréhension des facteurs biochimiques en lien avec le déclin observé des herbiers marins de la Baie James.

(Crédit photo : Julián Idrobo de Los Andes University (Colombie))
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